"Pour une politique globale, cohérente et efficace". Le ministre du Développement durable et des Infrastructures Claude Wiseler au sujet du développement durable

Lëtzebuerger Gemengen: Les attributions de l'ancien ministère de l'Environnement et des Transports, désormais ministère du Développement durable et des Infrastructures, ont fait l'objet d'une refonte complète. Quelles en sont les raisons (notamment pour le transfert du volet "Aménagement du territoire"), et quel est le rôle du ministère?

Claude Wiseler: Nous avons regroupé quatre départements ministériels, environnement et transport, d'un côté, l'aménagement du territoire et les travaux publics, de l'autre. Nous avons voulu réunir un certain nombre d'éléments qui forment incontestablement une entité pour mener une politique cohérente, depuis la planification d'un projet à sa mise œuvre jusqu'à sa gestion. Il relève de l'aménagement du territoire de décider quels sont les projets à réaliser ou pas, et ceux qu'il faudra retarder. Nous considérons que les choix et les options doivent être prises en fonction des critères d'aménagement du territoire si l'on veut s'assurer que le développement du pays se fasse de façon structurée et harmonieuse. Cela présuppose une planification méthodique et des choix réfléchis, tout spécialement en cette période de crise économique où les finances publiques ne sont pas au beau fixe.

Or, les nombreuses phases que comportent les projets retenus impliquent une coordination sans faille par les différents ministères, ce qui n'est pas toujours sans poser problèmes: frictions, pertes d'informations, va-et-vient des dossiers,... En découlent une perte de temps, d'argent voire même de motivation pour tout le monde. Ainsi, que ce soit pour les zones industrielles, artisanales, les zones d'habitation et les infrastructures de transport, il était essentiel de confier tous les instruments de planification à un même ministère pour ne pas poursuivre une politique de suivi. Désormais, "tentons de ne plus suivre le développement, mais d'en décider". Le domaine des transports en est un exemple éloquent. Avant, les CFL et les routes dépendaient de deux ministères différents, ce qui n'est pas l'idéal pour mener une politique de mobilité cohérente et efficace. J'ouvre à ce propos une parenthèse pour insister sur l'importance de poursuivre une politique de mobilité éminemment pertinente. Nous devons créer un tissu de mobilité homogène privilégiant le multimodal en y intégrant toutes les solutions de mobilité complémentaires: rail, bus, véhicules personnels, mais aussi vélos et bientôt le tram.

Lëtzebuerger Gemengen: Une "vision unique" ne représente-t-elle pas un danger, parfois, et n'est-ce pas trop de responsabilités pour un seul ministère?

Claude Wiseler: C'est le reproche qui nous est souvent adressé, et il est vrai que la responsabilité est grande, raison pour laquelle nous sommes deux, Marco Schank et moi-même. Néanmoins, je pense que c'est la seule solution si l'on veut obtenir de meilleurs résultats sur le long terme pour l'ensemble du pays et économiser parallèlement de l'argent. Plus concrètement, ce qui m'importe n'est pas de considérer les résultats séparément, ceux des travaux publics, d'un côté, des transports, de l'autre, mais bien le résultat global. Vous comprendrez qu'il revient à chacun des ministères de défendre ses intérêts et que cela n'est pas sans poser parfois de problèmes. Je tiens cependant à préciser que notre collaboration avec Lucien Lux, anciennement ministre de l'Environnement et des Transports, a bien fonctionné, dans l'ensemble. L'environnement est également au centre de nos préoccupations et fait partie intégrante de cette politique globale. Notre politique environnementale sera rigoureuse et apportera de surcroît, vu qu'elle est intégrée au nouveau ministère, davantage de transparence et d'efficacité qu'auparavant. Le processus décisionnel, quant à lui, s'en trouvera considérablement simplifié. Nous sommes de surcroît en train de réorganiser le ministère, Marco Schank et moi-même.

J'assume pleinement ces lourdes responsabilités et je réponds à ceux qui me reprochent de me donner mes propres autorisations que j'ai des lois à suivre, que je les suivrai à la lettre, et que je m'attellerai à faire les bons choix en consultant les experts des différents départements du ministère lorsque les textes laissent une libre interprétation. Et si on note clairement dès le départ qu'un projet fera l'objet de trop grandes difficultés, on ne le lancera pas.

Lëtzebuerger Gemengen: Le sommet de Copenhague sur l'environnement se profile à l'horizon. Selon vous, quels sont les enjeux et quelles seront les avancées par rapport au protocole de Kyoto? Quelles sont par ailleurs les attentes du Grand-Duché dans le domaine?

Claude Wiseler: Je dirais même que la conférence de Copenhague est à nos portes. Sans vouloir faire dans le mélodramatique, l'avenir de la planète - et par là du Grand-Duché - se jouera à Copenhague. Il s'agit donc actuellement d'un de nos dossiers prioritaires

Lëtzebuerger Gemengen: ... et d'après les réunions internationales préliminaires, c'est mal parti...

Claude Wiseler: Les discussions sont effectivement très difficiles, très longues. C'est très inquiétant car le travail qui reste à accomplir avant la conférence est immense, et il ne reste que deux mois devant nous. Les questions restent ouvertes et les blocages nombreux.

L'Union européenne, elle, avait pris en début d'année des engagements précis et chiffrés de réduction de CO2 de 20% pour la période post-Kyoto (ndlr: soit après 2012), un objectif en soit ambitieux. Elle envisageait même un seuil de 30% et les 27 pays membres ont parlé d'une même voix. Ce fut un signal fort en direction de la communauté internationale, destiné à ouvrir le débat mondial. Ces engagements européens doivent toutefois avoir pour corollaire des efforts de la part des autres pays industrialisés de par le monde.

Autre sujet d'inquiétude, l'aide financière aux pays du Tiers Monde, inévitable si l'on veut assurer un développement durable à l'échelle planétaire. Or, bien évidemment, un accord financier est très difficile à trouver.

Lëtzebuerger Gemengen: Comment obtenir des résultats concrets, selon vous?

Claude Wiseler: A mon sens, le seul moyen, d'atteindre les objectifs que l'on arrête, quels qu'ils soient, consiste à les fixer à court ou du moins à moyen terme. La nature humaine étant ainsi faite, on n'obtiendra pas de résultats sur le long terme, l'adoption de nouvelles normes, procédés et réalisations plus respectueux de l'environnement étant voués à être éternellement repoussés à une échéance ultérieure. Plus important encore, rendre les objectifs contraignants à l'échelle internationale. Il incombe à la communauté internationale d'introduire des mécanismes de sanctions qui s'appliqueraient aux pays qui n'atteignent pas les résultats escomptés. L'Union européenne a déjà franchi ce pas.

Qu'on parvienne à un accord ou non au niveau international, l'Union européenne établira quoi qu'il en soit un taux de réduction de CO2 de 20% d'ici 2020. Nous déciderons à 27 de la répartition des émissions.

Lëtzebuerger Gemengen: Ne faut-il pas créer pour cela un organisme mondial de l'environnement?

Claude Wiseler: Non, les Nations Unies devront avoir pour mission de gérer les fonds, et il est inutile de vouloir multiplier les organismes.

Lëtzebuerger Gemengen: Qu'en est-il de la politique climatique au Luxembourg, et quelles sont les priorités et les objectifs du ministère fraîchement créé?

Claude Wiseler: Nous allons mettre sur pied un plan d'action national à tous les niveaux dès la fin des négociations de Copenhague. Nous réunirons tous les acteurs du monde socio-économique luxembourgeois et passerons au peigne fin les donnes actuelles pour mettre en place ce plan d'action dès 2012.

Lëtzebuerger Gemengen: Va-t-on encore "charger la barque"? La taxe carbone instaurée en France tout récemment, par exemple, divise l'opinion. Qu'en sera-t-il au Grand-Duché?

Claude Wiseler: La taxe carbone fera l'objet de discussions au niveau européen. Quant au Luxembourg, sachez qu'une forme de taxe carbone existe déjà, le Kyoto-Cent. Il s'agit d'une taxe sur les carburants de deux cents par litre qui alimente le Fonds pour le climat.

Il ne faut pas uniquement se focaliser sur les mesures obligatoires contraignantes. Notre politique sur le sujet est simplement celle du pollueur-payeur basée sur le principe des bonus/malus. Aussi, des primes écologiques sont versées aux consommateurs qui acquièrent des produits respectueux de l'environnement à l'instar de la PRIMe House pour les habitations, et PRIM Care-e pour les véhicules... bref inciter tout un chacun à consommer plus écologique.

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